Le Club de lecture : retisser des liens grâce au livre dans un quartier en proie à la violence

Le Club de lecture est une activité de prêts de livres et d’échanges entre ses participants autour de leurs lectures. Portée par des membres du Mouvement ATD Quart Monde au Guatemala, cette initiative a vu le jour dans les quartiers défavorisés de Guatelinda et Línea Férrea à Escuintla, une ville au sud du pays, ainsi qu’à Lomas de Santa Faz.

Le Club de lecture de Lomas de Santa Faz, dont allons ici vous raconter l’histoire, se situe dans l’une des « zones rouges » de Ciudad de Guatemala. Ces zones, aussi appelées de « sécurité prioritaires », sont difficiles d’accès en raison des gangs de « maras » qui y opèrent. La présence de ces gangs complique les déplacements des habitants vers leurs lieux de travail, dans un quartier isolé et marginalisé qui n’offre que très peu d’opportunités d’emploi.

1. Rester présent

La présence d’ATD Quart Monde à Lomas de Santa Faz remonte aux années 1980. C’est à cette époque que les familles défavorisées, délogées du centre-ville par l’expansion urbaine, y ont trouvé refuge.

Les équipes ATD Quart Monde animaient régulièrement des bibliothèques de rue dans le quartier. Cependant, les affrontements de rue entre gangs de maras ont pris de l’ampleur et menacé la sécurité des enfants. Pour cette raison, il a fallu mettre un terme aux Bibliothèques de rue. Le lien des équipes d’ATD Quart Monde avec les familles du quartier ne s’est pas rompu pour autant. Elles ont continué de prendre part aux actions de Rencontres familiales, à la commémoration du 17 octobre ou encore pour certaines à l’atelier d’artisanat « Travailler et apprendre ensemble », mis en place quelques années plus tard.

Grâce à ces liens, l’équipe s’est rendue compte de l’absence de progrès en matière d’accès aux activités culturelles pour les enfants, alors même que leur quartier se développait petit à petit. Ce constat l’a conduit à réfléchir à la nécessité de proposer aux enfants du quartier un nouveau lieu dédié à la culture. Comme il n’était toujours pas possible de redémarrer une « bibliothèque de rue » dans le quartier, du fait des violences, l’équipe et les familles ont alors adapté l’action culturelle traditionnelle d’ATD Quart Monde à leur contexte, en rassemblant les enfants dans la maison d’une militante, avec l’objectif particulier de permettre aux enfants de se rencontrer autour du livre.

David et Dona Raquel :  »Cette « Bibliothèque à la maison » nous a permis de maintenir une présence auprès des habitants du quartier de Lomas de Santa Faz et de rester proche des familles que nous y connaissions. Mais elle ne nous permettait plus de rencontrer de nouveaux enfants ni de nouvelles familles. Plus le temps passait, plus il devenait évident que l’action ne touchait qu’un groupe d’enfants et de familles spécifiques. Par ailleurs, la « Bibliothèque à la maison » ne s’adressant qu’à des enfants de 3 à 8 ans, bon nombre d’entre eux ne pouvaient plus prendre part à l’activité une fois inscrits à l’école. »

 »Notre équipe est donc entrée en dialogue avec quelques familles pour réfléchir à la meilleure manière de continuer à agir ensemble, dans le quartier. Ces discussions nous ont permis non seulement de mieux comprendre la situation dans laquelle se trouvaient les habitants les plus défavorisés du quartier, mais aussi de déterminer la meilleure façon de rester présents pour eux. De ce dialogue et de cette réflexion commune est née, en 2014, l’idée de créer un Club de lecture, sur le modèle de celui d’Escuintla, inventé quelques années plus tôt, à la demande d’une jeune participante de la Bibliothèque de rue, qui voulait emporter des livres chez elle. »

2. Le déroulement de l’action

Une fois par semaine, deux volontaires permanents de l’équipe responsable de l’action se rendent dans le quartier afin d’y apporter une cinquantaine ou une soixantaine de livres, classés par tranches d’âge.

Tout au long de la journée, les deux volontaires se rendent d’une maison à l’autre. Au hasard des rencontres, ils tissent des liens avec la population et font connaissance avec de nouvelles familles. Cela leur permet de mesurer l’importance que les parents accordent à l’éducation de leurs enfants et de mieux se familiariser avec la réalité du quartier et de ses habitants.

Les enfants et leurs familles sont invités à découvrir les livres, présentés dans des paniers, et à choisir ceux qu’ils souhaitent emprunter.

L’équipe tient un registre individuel pour référencer les livres prêtés, mais surtout pour garder la trace des goûts littéraires et du niveau de lecture de chaque enfant, jeune ou adulte. Ce registre permet aussi d’être attentif et de réfléchir, d’une semaine à l’autre, à quel livre proposer à chaque enfant.

Elle propose les livres aux enfants et aux familles sur le pas de leur porte. Tous prennent le temps de regarder attentivement les livres que nous avons sélectionné. C’est un moment privilégié, où chacun est libre de choisir ce qu’il a envie de lire. Les volontaires suggèrent parfois des lectures, mais il arrive aussi que ce soient les parents qui aident leurs enfants dans leur choix. C’est un moment qui crée un lien de complicité entre parents et enfants autour des livres. Les livres choisis leur sont confiés pendant une semaine.

3. Le Club de lecture : une façon d’apporter du bonheur aux enfants, de tisser des liens familiaux et de donner le goût d’apprendre à l’école

Le lien familial qui se tisse autour du livre est fondamental, comme l’affirme Cindy, une des mères du quartier : « Le lien que j’ai avec mes filles et les livres, c’est lorsque nous lisons ensemble, c’est tellement beau, c’est un moment de famille entre moi et mes filles. Les livres m’ont aidée à partager avec mes filles, ils m’ont appris à vivre avec elles. D’abord, je leur lis les livres et puis je leur demande ce qu’elles ont vu, ce que raconte l’histoire… Mon mari lit aussi avec elles, mais le dimanche. » Quand elle parle des effets de la lecture sur sa fille, Cindy nous dit : « Avant qu’elle n’apprenne à lire, Priscila ne parlait pas beaucoup et elle était toujours en colère. Quand on a commencé à lire ensemble, son esprit a commencé à s’éveiller. Maintenant, elle danse, elle est plus agréable, plus sociable… C’est grâce aux progrès que les livres lui ont permis de faire. »

Doña Raquel, une de leurs voisines, résume parfaitement cette évolution : Priscila s’est mise à apprécier les livres dès que sa mère a commencé à lui faire la lecture. Elle sélectionnait des histoires de princesses qu’elle prenait le temps de lire avec elle.

Cindy aussi a évolué, comme l’explique la grand-mère maternelle de Priscila : « Elle est devenue patiente ! Avant, je lui prêtais des livres, mais elle n’aimait pas lire. Alors que maintenant, elle commence à lire des histoires à ses filles. Je suis fière d’elle. Cela me rend heureuse de voir comment le Club de lecture l’a aussi aidée à être meilleure avec sa fille. »

À un moment donné, la lecture ne suffisait plus à Priscila. Comme elle souhaitait aller à l’école pour continuer d’apprendre, ses parents l’y ont donc inscrite dès la rentrée suivante.

Une autre enfant, âgée de 11 ans et inscrite au Club de lecture, éprouvait quant à elle des difficultés pour apprendre à lire à l’école. Aujourd’hui, ce sont les livres qui lui donnent envie de poursuivre ses apprentissages : « Quand vous venez chez moi pour me prêter des livres, vous connaissez déjà mes goûts. Maintenant que je sais lire, je comprends ce que racontent les histoires. Avant, je ne regardais que les images, mais j’ai appris à lire pour que l’on n’ait plus à me faire la lecture. Maintenant, je veux emprunter encore plus de livres. »

De façon générale, au Guatemala, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture peut s’avérer très complexe, en particulier pour les familles en situation d’extrême pauvreté. De nombreux enfants se retrouvent en situation d’échec scolaire dès le début de leur scolarité. En perdant peu à peu toute motivation pour apprendre et réussir, beaucoup d’entre eux abandonnent très vite l’école, venant ainsi grossir les rangs des élèves décrocheurs. La difficulté d’accès à la lecture, en tant que loisir, est un autre facteur aggravant. En effet, l’achat d’un livre est un luxe que de nombreuses personnes ne peuvent se permettre…

L’expérience que l’équipe a acquise à travers cette action leur montre comment elle permet de renforcer les enfants dans leur apprentissage de la lecture. Parmi les enfants rencontrés, nombreux sont ceux qui ne savent pas encore lire ou qui ont toujours de grandes difficultés à déchiffrer. Pour remédier à ces difficultés, l’équipe leur propose des albums sans texte. Ces albums permettent de stimuler et de développer leur imagination. Ils donnent confiance aux enfants, en leur donnant le sentiment que les livres sont aussi pour eux. Pour certains enfants, ces albums sont un bon moyen de faire le premier pas vers l’apprentissage des lettres et des chiffres.

Lire rend les enfants heureux : témoignage de Verónica, du Club de lecture d’Escuintla

Verónica (nom d’emprunt) est une jeune fille dont la passion pour les livres est à l’origine de la création du Club de lecture à Escuintla. Quelques années après le lancement de l’initiative, Veronica revient sur sa relation avec les livres et explique comment ceux-ci lui ont permis de développer sa pensée :

« La lecture est un de mes passe-temps préférés. J’ai commencé à m’intéresser aux livres dès que j’ai appris à lire. Que ce soit chez moi ou dans le quartier, nous n’avions rien à disposition pour nous divertir. C’est pour cela que, lorsque le week-end arrivait, j’en profitais pour emprunter des livres à la Bibliothèque de rue.

Nous n’avons pas de télévision à la maison. Et la plupart du temps, il n’y a aucune activité pour nous distraire. Dès que j’ai du temps libre, je sors le livre que j’ai emprunté et, parfois, mes frères et sœurs viennent s’asseoir à côté de moi. Quand je lis, je suis dans mon monde. J’imagine tout. Il m’arrive même de rire toute seule à cause de certains passages.

Lorsque cela arrive, mes frères et sœurs m’interrogent du regard. Et comme ils veulent savoir pourquoi je ris, ils me demandent : “Tu peux relire ?” À ce moment-là, je leur lis le passage à voix haute et nous rions tous ensemble.

Je n’aime pas les petits livres parce que je les termine trop vite. Pour moi, un livre, c’est comme un bonbon : quand on commence à le manger, on sait qu’on l’aura bientôt fini. Quand j’ai un livre entre les mains, je lis, je lis, je lis… et je ne veux pas que ça s’arrête.

Des fois, je me mets à rêver des autres endroits que j’aimerais bien connaître, mais je sais que je ne peux pas voyager. C’est pour cela que j’aime les livres sur les pays : grâce à eux, je peux découvrir de nouveaux lieux. Je suis rarement sortie de mon quartier, et je n’ai jamais eu l’occasion de parcourir mon propre pays. Mais je peux dire que je le connais à travers les livres. Lorsqu’on me demande quels sont les pays que je connais, je réponds : le Mexique, la France, l’Espagne, la Bolivie et Haïti. Grâce à la lecture, bien entendu !

J’aime les livres qui parlent de l’esclavage, de la discrimination et de la maltraitance. Ils m’aident à être une meilleure personne et à changer d’attitude. Avant, je ne me rendais pas compte que je pouvais être dure avec ma mère ou mes frères et sœurs. Maintenant, j’en suis consciente. J’apprécie particulièrement Les Mille et une nuits. Ce qui me plaît dans ce livre, c’est qu’il raconte comment une jeune fille parvient à sauver sa sœur, ainsi que de nombreuses autres femmes, grâce aux histoires qu’elle raconte chaque soir au souverain.

La lecture est une activité importante pour moi. Grâce aux livres, je peux développer mon imagination et mon esprit. Ils me permettent de m’évader et d’oublier mes soucis. Quand je lis, je me mets dans la peau du personnage et je ne pense plus à rien d’autre. Lire me rend heureuse, et je désire cela aussi pour mon fils.

On apprend avec le temps, on apprend des gens qui nous entourent, mais en ce qui me concerne, les livres ont beaucoup compté. Les autres mamans de mon âge ne savent pas certaines choses que je sais. Et ces choses-là, je les ai apprises grâce à la lecture. Les livres m’ont appris à être une bonne mère. »

Extrait du livre La Come Libros (La Dévoreuse de livres), écrit par Elda Garcia et Verónica, à paraître.

4. Retisser des liens entre les habitants

En raison de l’insécurité qui régnait dans le quartier quand nous avons démarré le Club de lecture, les familles que l’équipe ne connaissait pas encore les ont accueilli avec méfiance. Les parents ne laissaient pas leurs enfants les approcher et avaient peur de choisir des livres. La régularité de cette présence chaque jeudi, la persévérance de l’équipe à offrir les livres en porte à porte, et le fait qu’ils étaient déjà connus de quelques familles du quartier leur a permis de gagner leur confiance. Petit à petit, les parents ont laissé les enfants venir à eux pour emprunter les livres qu’on leur proposait.

Avant le Club de lecture, il n’existait aucune activité permettant de réunir les familles du quartier. Au début, les activités du Club de lecture se faisaient de maisons en maisons, en porte à porte. Mais à mesure que l’équipe a mieux découvert le quartier, elle a repéré quelques « points stratégiques » dans la communauté, où il était possible de réunir des voisins : «aujourd’hui, nous allons chercher les enfants et les rassemblons dans ces lieux où nous installons nos paniers de livres. C’est l’occasion pour eux de se retrouver, d’échanger leurs livres, et de parler de leurs lectures. » nous raconte les membres de l’équipe.

Le Club de lecture permet la rencontre entre les familles les plus pauvres et celles qui sont en train de sortir de cette situation. C’est le cas notamment d’une famille qui refusait de se mêler aux autres. « Entre cette famille, dont les enfants vont à l’université, et celle qui vit en face, l’écart est palpable », affirme doña Raquel. « Mais au moins, ils se côtoient dans le Club de lecture. C’est une bonne chose. »

Aujourd’hui, les livres offrent aux enfants, aux jeunes et aux adultes une opportunité de se rencontrer et de tisser des liens. Le Club de lecture a rendu possible la rencontre avec plus d’une centaine de personnes de tous âges.

Cette action a pris tellement d’ampleur qu’il a fallu passer de l’activité de prêt à la constitution de groupes de lecture. C’est ainsi qu’un jeudi par mois, l’équipe se rend à Lomas de Santa Faz sans livres, pour y réunir tous les enfants. Dans un « point stratégique », ils commencent par leur raconter un conte, puis ils les invitons à échanger sur leurs lectures respectives. Même si beaucoup d’entre eux ne savent pas lire ou n’ont lu que des livres pour jeunes enfants, tous sont dans une incroyable dynamique de partage. Les plus petits, quant à eux, racontent les livres qu’ils ont empruntés à partir des illustrations.

«Nous sentons que la relation de confiance que nous construisons avec les enfants va plus loin que le Club de lecture. Certains d’entre eux apportent des livres à l’école pour les prêter à leurs camarades, tandis que des mamans interpellent les volontaires dans la rue pour leur dire: « Ah ! Mon voisin m’a dit que vous prêtiez des livres. Vous pouvez m’en prêter un pour mon fils ? Il n’est pas encore là et il va rentrer tard ». Nous leur répondons alors : « Oui, bien sûr ! Ça serait intéressant que vous demandiez à votre fils quel type de livre il aime. Comme cela, vous pourrez en un choisir un qui lui plaira vraiment. » », continue l’équipe.

La lecture permet aussi aux membres du Club de lecture d’élargir leurs horizons à l’extérieur de la communauté. Les liens tissés avec les habitants se trouvent renforcés par les autres activités culturelles qui leur sont proposées, aussi bien dans le quartier, avec l’organisation de rencontres artistiques et littéraires, qu’en dehors de celui-ci, comme c’est le cas avec le Salon du livre.

Conclusion

Pour cette équipe, la réussite du Club de lecture est d’avoir ouvert un espace d’accès à l’art et aux savoirs à travers les livres.

Avec les prêts hebdomadaires, le Club de lecture permet aux enfants d’entrer dans un rythme de lecture régulier. Grâce aux livres, ils accèdent chaque semaine un peu plus au monde de l’imagination, de la compréhension écrite…

Au milieu d’une communauté confrontée à la violence, enfants, jeunes et adultes ont eu l’occasion de découvrir et de cultiver leur amour de la lecture. L’action menée a eu une influence significative sur le quartier et notamment au sein des familles. En effet, en prenant le temps de découvrir les livres avec leurs enfants, de nombreux parents ont renforcé et approfondi leurs liens avec eux.

Dans les endroits où rien ne semble avoir de valeur, les livres ont toute leur importance. Contrairement aux idées reçues, ils sont un bien précieux dont on prend grand soin dans le quartier. Le Club de lecture en est la preuve.

Les principes d’action

1. Construire l’action avec et pour la communauté

  • Construire l’action du point de vue des plus démunis.

L’action dont s’est inspirée l’équipe est une initiative créée « à quatre mains » avec Veronica, la jeune fille qui, après avoir participé à la Bibliothèque de rue, souhaitait continuer d’emprunter des livres.

  • Impliquer la population dans toutes les étapes du projet, de la conception à l’évaluation, afin de faire preuve de créativité dans les situations difficiles.

S’assurer de la participation des familles les plus vulnérables à chaque étape du projet.

S’appuyer sur les expériences des parents et des militantes qui font le lien avec la communauté (prendre le temps d’arrêter les actions, et de les requestionner avec les parents)

Grâce aux membres de la communauté ainsi qu’à la présence régulière et visible de l’équipe dans les rues, il est possible de rencontrer de nouvelles familles pour les inviter à se joindre à l’activité.

2. Le livre comme outil pour aller à la rencontre des plus démunis, établir une relation de confiance et créer des espaces de paix et de liberté.

  •  Le livre : une source de fierté

« À partir du moment où l’on parle de zones rouges, il faut s’attendre à ce que personne n’envisage sérieusement de s’y rendre. L’un des défis majeurs pour le Mouvement, mais aussi pour les familles, est donc de faire en sorte que les livres puissent y parvenir. Aux yeux de l’équipe, fournir des ouvrages de qualité s’avérait indispensable. Au Guatemala, les livres coûtent cher. Offrir aux familles la possibilité d’emprunter de beaux livres et faire en sorte que ces ouvrages de qualité restent sur place est donc loin d’être anodin. En effet, c’est une façon de leur dire : “Si nous vous confions ces livres, c’est parce que nous avons confiance en vous et en vos capacités.” Sur la centaine de livres prêtés au fil des ans, un seul a été perdu. Cela prouve bien que les habitants en prennent soin. » (Elda)

  • Le livre : un outil pour établir une relation de confiance avec les personnes

Chaque livre est prêté après avoir été soigneusement choisi : lorsqu’un volontaire propose un ouvrage à une personne, cela témoigne du fait qu’il a pensé à elle d’une semaine à l’autre, qu’il a réfléchi à ses goûts, qu’il en a tenu compte. Le registre individuel conserve la trace de cette recherche autour des goûts et des intérêts de la personne. Il témoigne du dialogue entre celle-ci et le volontaire, par livre interposé. L’action ainsi construite autour du livre permet les rencontres et nourrit de profonds échanges entre lecteurs, permettant ainsi de rompre avec l’exclusion.

Christian Deligne, un participant au séminaire de 2018 a dit à l’équipe du Guatemala : « Vous choisissez les livres très soigneusement, mais comment les choisissez-vous ? Je pense qu’en lisant et partageant des histoires, l’histoire de chacun ne reste pas toute seule : elle peut rencontrer d’autres histoires et de ces histoires communes naît une troisième histoire qui peut être une histoire de futur ».

3. Le livre : un moyen d’accéder à un monde plus vaste, au-delà du quartier…

Christian Deligne, en parlant de Priscila, nous dit : Cette petite fille si renfermée et qui pourtant n’a pas pleuré lorsqu’elle est allée à l’école m’a beaucoup touché. Je me suis dit : “Elle ne doit pas avoir si peur que ça à l’idée de changer de famille.” Parce que l’école, c’est un peu comme une famille. En voyant les livres qui circulaient, elle a probablement pensé : “La famille de l’école ne doit pas être si différente de la mienne.” Peut-être. 

Les questions qui restent ouvertes :

– Il faut réfléchir en permanence au renouvellement de la collection. Cela implique de trouver des sources de financement, d’établir des partenariats avec des organisations publiques et privées et de promouvoir cette initiative au niveau national et international.

– En se demandant comment passer à la prochaine étape, l’équipe veut travailler à établir des contacts et coopérer avec d’autres associations et bibliothèques engagées dans la promotion de la lecture est une nécessité.

– Comment continuer à transmettre l’idée que lire ne signifie pas seulement exiger de l’enfant qu’il comprenne ? En quoi l’action menée peut-elle permettre aux enfants et aux parents de réaliser que la lecture ne se réduit pas à cela ? Lire, c’est aussi développer son imagination et aiguiser son esprit. Ce que notre école ne permet pas.

– Certains des enfants rencontrés ont déjà lu une centaine de livres. Cependant, leurs enseignants en font abstraction. Et ces enfants, bien qu’ils soient de grands lecteurs, sont toujours en situation d’échec scolaire.

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