Suis-je condamné à fuir toute ma vie !

 Ce cri de désespoir est celui d’un homme de la minorité éthnique Karen du Myammar. Cet homme se nomme Chapalé. En juin 2009, avec l’arrivée de la saison des pluies, Chapalé et sa femme comme trente mille autres Karens ont dû fuir leur village.

Ces familles Karen ont marché sous des pluies torrentielles plusieurs heures. Mais pour les plus éloignées de la frontière thaïlandaise ce n’est qu’après deux, voir trois jours de marche qu’elles ont pu atteindre la rivière frontalière de la Mœil. Sur des radeaux de fortune, elles l’ont traversée et ont rejoint l’un des trois villages thaïlandais de Ban Nong Bua, Ban Mee Salit et Ban Mee Osu dans le canton de Tha Song Yang de la province de Tak.

En 2004, 1.2 milions de karens vivaient dans la jungle et les terres agricoles de l’est le long de la frontière avec la Thailande. Entre un tiers et la moitié d’entre eux sont des personnes déplacées. Ils mènent une vie de paysans : ils habitent des petits villages, ils cultivent le riz, la noix de coco, la banane, la papaye. Ils élèvent des cochons et des poules. Ils tissent leurs propres vêtements. Mais ils doivent fuir continuellement, car leurs villages sont régulièrement brulés par l’armée birmane. Quand leur village a été brulé quatre ou cinq fois, ils n’y retournent plus. La jungle devient le refuge de leur survie avant l’ultime exode vers la Thaїlande.

Chapalé de témoigner: “Aussi loin que je puisse me souvenir, avec mes parents nous avons du fuir sans cesse face à la terreur engendrée par l’armée birmane. Ils nous volent nos poules, nos cochons et brûlent notre village. Ils nous volent le riz de nos rizières. Aujourd’hui j’ai trente huit ans et notre famille doit encore fuir devant la mort. Nous avions peur d’être forcés comme déjà trente membres de notre village de servir dans l’armée birmane.”

Selon le rapport de Human Right Watch, 70,000 enfants du Myammar ont été enrôlés dans l’armée, ce qui est plus que tout autre pays dans le monde. Parmi eux, des enfants ont à peine atteint l’âge de onze ans.

Depuis juin dernier la famille de Chapalé et les autres familles déplacées dans ces villages frontaliers thaïlandais, soit au total 3,500 personnes ont reçu l’aide humanitaire du Haut Commissariat aux Réfugiés. Ils vivent entassés sous des tentes et leur situation sanitaire reste très difficile car la malaria fait des ravages, suivi de près par la dysenterie et les diarrhées. Le taux de mortalité infantile reste très élevé.

En 2007, la Thaïlande comptait 140,000 karens rassemblés dans neuf camps dans les provinces de Mae Hong Son, Tak, Ratchaburi et Kanchanaburi. Ces exilés n’ont aucun statut. Officiellement, sans papiers officiels, ils ne sont rien, ni birmans, ni thaїlandais, ni réfugiés politiques, ils s’appellent eux mêmes, personnes déplacées.

Chapalé et sa femme comme des centaines de milliers de Karen ont fui les persécutions dans leur pays et espèrent une vie meilleure en Thaїlande. Chapalé réussira t-il à trouver un travail digne ou bien tombera t-il dans les affres de l’exploitation, de l’esclavage comme la majorité des deux cent mille travailleurs migrants du Myammar de la province de Tak ?

Quelle espoir en terre thaїlandaise ? Un leader karen réfugié en Thailande de conclure: “Nous ne pouvons rien faire. Nous sommes les invités de la Thaïlande. Nous ne pouvons que l’en remercier, car sans elle nous serions tous morts. Mais la contrepartie, c’est que nous ne pouvons rien lui refuser. S’il y a des abus, nous ne pouvons que les accepter. Car, si on nous chasse, nous n’avons nulle part où aller.”

Alain Souchard (Thailande)

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